La Révolution des Petits Pas

Allocution d’ouverture du colloque

 

Madame le Ministre, Monsieur le Président de l'UNICEF Comité Français, Monsieur le Directeur de l'Institut de l'Enfance et de la Famille, Monsieur le Président de l'Association Française pour le Développement des Droits de  l'Enfant

C'est avec une très vive satisfaction que je salue votre si nombreuse  participation à notre Colloque national à l'UNESCO, pour ouvrir l'Année Internationale de l'Enfance.

Une année vient de s'écouler qui fera date, je le crois, dans notre histoire.  Le 20 novembre dernier, trente ans après la déclaration des droits de l'enfant,  la Convention internationale des droits de l'enfant a été enfin votée par l 'O.N. U.,  après dix années de longues tractations entre les Etats-parties. C'est une avancée considérable dont nous ne mesurons probablement pas encore la portée.  Et pourtant, de la notion de « droits» octroyés aux enfants par des adultes à  celle de la « Cause des enfants » qui questionne nos devoirs adultes, un long chemin reste à parcourir!

« Enfant de Droit », c'est affirmer et reconnaître les enfants comme des sujets parlant, citoyens du monde à part entière dans nos pratiques au quotidien.  Souvenons-nous que nous n'avons pas le pouvoir de «donner» la parole aux  enfants, seulement celui de remplir nos devoirs à leur égard et les entendre quand ils nous parlent en tentant de nous le crier à travers leurs maux ! Un colloque à propos des droits de l'enfant, sans enfants ! Pourquoi ? L'A.F.D.D.E. (Association Française pour le Développement des Droits de  l'Enfant) vient de tenir son colloque au Sénat avec des enfants et des adolescents.  Pascal Vivet, son Président, pourra en témoigner tout àl 'heure. Nous n'avons pas voulu faire un « remake» et avons opté pour soutenir leur action exemplaire. Cette parole d'un grand nombre d'enfants a été recueillie par ailleurs, sous forme de cahiers de doléances, par l'I.C.E.M. (l'Institut Coopératif de l'Ecole Moderne, pédagogie Freinet) et les FRANCAS, le B.I.C.E. (Bureau International Catho-  lique pour l'Enfance), et d'autres mouvements; mais aussi par Médecins du  Monde et son bateau pour les droits de l'enfant, cet été. Nous avons opté pour  une soirée inter-associative sur le thème suivant: « A quand les états généraux des enfants ? » qu'animeront Jean-Pierre Rosenczveig de l'I.D.E.F. (Institut de  l'Enfance et de la Famille) et Gilles Gressierde la radio Superloustic ; des enfants  et adolescents seront avec nous ce soir-là, dont la F.I.D.L. (Fédération Indépendante et Démocratique des Lycéens).













Nous voulons nous adresser aux adultes pour que soient créés des lieux de  parole et des espaces pour et avec des enfants, afin que leur parole puisse s'y  trouver « désaliénée » de celle des adultes.  Tant qu'il n'y aura pas de lieux véritablement conçus pour les enfants et, en  partie, gérés par eux -même, je ne crois pas que l'on puisse valablement parler  de « parole d'enfant ». Nous continuerons à prétendre avoir « donné la parole aux  enfants », et c'est bien que le bât blesse !  C'est pour faire progresser cette cause que, partenaire associatif « un parmi d'autres », notre association « La Harpe-Enfant de Droit » a décidé d'organiser ce colloque international, en choisissant un lieu éminemment symbolique : l'UNESCO, dont la première vocation est celle des droits de l'homme. Merci donc à Monsieur Fédérico Mayor Zaragosa, ainsi qu'à toute l'équipe des divers services de l'UNESCO, pour toutes les facilités et l'extrême gentillesse avec laquelle ils nous accueillent pour soutenir notre action.  C’est, maintenant, à celle qui fut notre collègue et amie, Françoise Dolto, que je veux rendre hommage ici. Elle a été, en France, non seulement la fondatrice de la psychanalyse d'enfants, mais encore la première à découvrir l'intelligence du nourrisson en s'adressant à lui comme à celui qui pouvait l'enseigner. Elle aimait à dire: «Nous n'avons jamais été aussi intelligents qu'avant trois ans! »  Serions-nous, depuis, sur une mauvaise pente ? C'est elle encore qui nous rappelait dans « La Cause des Enfants » : « On quête, on en appelle aux droits de l'homme, on inaugure l'année de l'enfance. Bonnes oeuvres, beaux discours ! Tout le monde verse sa larme et son obole ! On dénonce les bourreaux d'enfants, les Minotaures du siècle, les ogres technocrates! ... La frontière entre les enfants nantis et les déshérités, les gâtés et les écrasés, est arbitraire et trompeuse; ce qui empêche de voir les défenses de  la société ...

Le sort qui est réservé aux enfants dépend de l'attitude des adultes. La cause des enfants ne sera pas sérieusement défendue tant que ne sera pas diagnostiqué le refus inconscient qui entraîne toute société à ne pas vouloir traiter l'enfant comme une personne, dès sa naissance, vis-à-vis de qui chacun se comporte comme il aimerait qu'autrui le fasse à son égard. »  Nous vivons une époque passionnante qui voit s'ouvrir « un mur de Berlin », s'effondrer des systèmes totalitaires ou des systèmes idéologiques pervertis par  des dictateurs, mais aussi une époque redoutable et grave qui voit décimer des populations civiles et des enfants victimes par milliers. La liberté n'est jamais donnée, elle est un droit qui se paie très cher. Les enfants conçus, issus, baignés par la violence, victimes hier des crimes des  adultes n'ont d'autre horizon possible que la violence à leur tour. Voilà le drame des traumas qui se répètent sur plusieurs générations. Cette violence insidieuse entache même nos pratiques et nos relations au  quotidien : parents, dictateurs... éducateurs - un lapsus révélateur pour dire le  désir de pédagogie pourrait aussi nous conduire... ! - , enseignants, médecins,  travailleurs sociaux, politique, nous sommes tous concernés : même l'enfer est  pavé de bonnes intentions « au nom de l'enfant », de « son » bien et dans « son » plus grand intérêt, bien sûr !

C'est à dénoncer ces pratiques et violences institutionnelles, c'est à élaborer des propositions concrètes pour que ces pratiques cessent et que s'effondrent les certitudes qui nous aveuglent chaque fois que nous parlons « au nom de », « pour  le bien de » ou « à la place de », que notre colloque va s'ouvrir aujourd'hui.  il sera l'oeuvre commune des intervenants et des participants qui ont bien voulu répondre à notre appel pour se risquer à cette discipline intellectuelle contraignante : faire des propositions concrètes aux décideurs politiques.  Ainsi, ce que Françoise Dolto nommait des « Utopies pour demain » pourrait devenir des « Réalités d'aujourd'hui. »  Voilà une « Révolution des Petits Pas » à construire ensemble à grandes  enjambées. il n'y a pas une minute à perdre quand il s'agit de l'avenir et l'espérance de notre société : l'on juge une culture à la place qu'elle fait à ses enfants.

Toutes ces propositions seront remises par notre association, à l'issue du  colloque, à Jean-Pierre Rosenczveig, Directeur de l'Institut de l'Enfance et de la Famille, afin qu'il les dépose, de notre part, auprès du Conseil Economique et Social, lequel a vocation de les étudier en vue de projets de loi novateurs.

Willy BARRAL, Psychanalyste

Président de l'association La Harpe - Enfant de droit



Propositions concrètes du colloque