Willy Barral

Psychanalyste - Ecrivain

 

Le corps de l’enfant est le langage de l’histoire de ses parents

Présentation de l’ouvrage par Michel Cazenave

En un temps où, si on laisse aller les choses, la psychanalyse, - c’est-à-dire la découverte, l’exploration, l’assomption du sujet, - n’en a plus que pour dix ou quinze ans à vivre sous les coups redoublés d’une neurobiologie triomphante et de théories comportementalistes qui voudraient se hisser du rang de pseudo-sciences à la dignité de sciences reconnues, il est bon que paraisse un livre comme celui-ci.

Un livre, d’abord, qui s’adresse au grand public, loin du jargon spécialisé où se réfugient tant de psys dans une langue à peu près incompréhensible à qui n’est pas initié, et qui démontre au tout-venant, avec des mots de tous les jours mais chargés d’émotion et de tout le poids d’une longue expérience, que la dimension proprement humaine de tous ceux qui souffrent – et de tous ceux qui soignent – est quelque chose de capital dans toute activité thérapeutique.

Un livre, ensuite, qui fait preuve d’humilité (au sens premier du latin : au niveau de l’humus, c’est-à-dire au niveau de la terre dont nous sommes tous issus un jour), un livre sans forfanterie, sans cette arrogance dont a fait si longtemps preuve la psychanalyse – et dont elle paie le prix aujourd’hui : témoignages, histoires de vie, Willy Barral n’est pas de ceux qui croient détenir la vérité et nous l’assènent sans ménagement sur le crâne, il cherche, il tâtonne parfois, et c’est avec un émerveillement qui est presque celui d’un enfant (au meilleur sens du terme), qu’il constate les miracles de la compréhension, du vrai dialogue instauré, de l’authentique souci de l’autre, de la théorie dès qu’elle touche à la réalité comme elle est.


Et la théorie, comme toujours, ne se trouve jamais close ; elle est sans cesse en mouvement, elle prend en compte le réel dans tous ses aspects divers et mouvants.

D’où l’intérêt passionné pour, et la mise en œuvre souvent si efficace par Willy Barral de deux approches qui ont, si l’on peut dire, révolutionné le champ de la psychologie dès qu’elle tente de s’aventurer dans les plus grandes profondeurs du psychisme.


En premier lieu, la mise à jour de ce que l’on appelle aujourd’hui le transgénérationnel, mot qui a fait fortune et qui a envahi le domaine des soins depuis la psycho-généalogie jusqu’aux constellations familiales que l’on voit fleurir un peu partout de nos jours – autrement dit, de sa mise en place dans l’arbre des générations jusqu’à, parfois, l’utilisation de psychodrame qui n’ose pas dire son nom et repose sur des phénomènes de projection qui n’ont pas été travaillés.

Or, Willy Barral est un homme sérieux. Le transgénérationnel (ces maux psychiques qui se transmettent d’âge en âge et infiltrent nos descendants parce que nous n’avons pas été en mesure de les résoudre), il va le puiser à sa source, autrement dit chez Anne Ancelin-Schutzenberger qui en a fait l’hypothèse avec toute la rigueur de sa formation initiale, mais aussi chez Françoise Dolto qui y trouve l’origine de phobies considérées jusque là comme « incurables », et dont elle fait ressortir qu’elles sont le résultat d’un trouble profond dans la relation psycho-affective entre l’enfant et sa mère – trouble en miroir à son tour de celui qu’aurait subi sa mère avec ses propres parents : et l’on peut, dans certains cas, remonter plusieurs tranches d’âge, avant de retrouver le problème initial …


A l’aurore de la psychanalyse, l’un de ses grands rebelles, à savoir Carl Gustav Jung, avait déjà bien repéré le problème, qui déclarait qu’il ne soignait d’enfant que si les grands parents étaient là. Et l’on connaît l’importance de la légende familiale selon laquelle son aïeul (de plus, du même prénom que lui !), aurait été un enfant adultérin de Goethe : il rapporte dans son autobiographie comment, d’une certaine façon, il a dû en régler le problème pour son propre compte – et ce n’est pas pour rien que ce même Goethe, avec le Royaume des mères du Second Faust, aura toujours été son mentor avoué, de même que c’est chez Goethe qu’il trouve en premier lieu l’idée de l’urbild, l’image primordiale qui deviendra ensuite son fameux archétype. D’ailleurs, faudrait-il oublier aussi que, dans une lettre à Henri Corbin, après le scandale suscité par son livre Réponse à Job, il se réclame de l’esprit du philosophe allemand des religions qu’était Schleiermacher, quand on sait qu’un des oncles de ce premier Carl Gustav avait précisément épousé la plus jeune sœur de ce penseur ? 

A la lumière du transgénérationnel, il y aurait ainsi toute une enquête passionnante à mener sur les « antécédents » des plus grands psychanalystes, sur leurs engrammes familiaux (il suffit de penser à ce que nous savons d’autre part de la « tribu » des Freud), sur ce que, pour reprendre le vocabulaire de Piera Aulagnier, on devrait nommer leurs pictogrammes – autrement dit cette première époque de l’enfance où le petit d’homme est à la fois lui-même et l’autre …

Mais le transgénérationnel nous mène à cette seconde notion sur laquelle s’assoit si fermement Willy Barral, ce que Françoise Dolto a dénommé l’image inconsciente du corps.

Dans le corps ( !) de son livre, Willy Barral explique lumineusement comme cette image est « l’entre-deux des toutes premières relations psycho-affectives entre l’enfant et ses parents, une mémoire relationnelle archaïque en quelque sorte. »

Ce qui en revient à réhabiliter, contre toute notre tradition culturelle, philosophique, théologique et religieuse, le rôle et la fonction du corps dans notre vie. Loin de l’antique jeu de mots : soma sema tès psychès einsi. « Le corps est le tombeau de l’ange », Willy Barral nous montre que le corps pense, qu’il est bien plus que ce que nous croyons d’habitude – et que, pour reprendre une vieille formulation de Paracelse ou de notre alchimie occidentale, il existe une lumen naturae, une « lumière de la nature », et plus particulièrement une vérité de notre corps qui se manifeste dans notre activité psychique – et vice-versa. (Au fond nous ne sommes souvent pas très loin de ce que Patanjali nous dit dans les Yoga-sutras ; nous ne sommes pas très loin de la conception classique d’un corps subtil, dès qu’on a dégagé cette notion de tous les oripeaux fantasmatiques dont on l’a si souvent chargée.


Et ce n’est pas l’un des moindres mérites de Willy Barral, formé qu’il a été à la double école de Françoise Dolto et de Pierre Solié (l’un des plus grands psychanalystes jungiens de France en son temps), que de s’avancer ainsi, aidé par les pertinentes questions d’Isabelle Yhuel, appuyé sur sa pratique et sur des années d’expérience, sur des terres encore trop peu explorées, loin des flons-flons ou des récupérations de la mode, mais avec une assurance gagée sur sa clinique et avec la modestie qui convient à celui qui essaie de débrouiller les labyrinthes de l’âme humaine.


Notre corps pense : immense révélation ! Ce n’est donc pas qu’une machine – même s’il l’est aussi. Mais nous portons toujours en nous cet « hôte inconnu » qui, finalement, en sait si souvent tellement plus que nous-même.

Un livre à lire absolument …

Michel Cazenave

Sur ce site: 
Présentation de l’ouvrage par Michel Cazenave
Hommage à Françoise Dolto par Anne Ancelin Schützenberger
Avant-propos, par Catherine Dolto
Présentation par l’auteur, Willy Barral
Remerciements, par Isabelle Yhuel
Sommaire du livre
Extrait: En Arménie, le Jardin Arc-en-ciel d’ErevanExtrait_Payot.htmlExtrait_Payot.htmlshapeimage_3_link_0shapeimage_3_link_1

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Hommage à Françoise Dolto par Anne Ancelin Schützenberger

Le témoignage de Willy Barral, psychanalyste, à travers son livre :

"Le corps de l'enfant est le langage de l'histoire de ses parents", est tout à fait remarquable.


Françoise Dolto l'incomparable nous a appris (et m'a appris) l'importance de l'écoute vraie et totale, et que chaque être est un sujet humain entendant et engrangeant, déjà in utero ou tout bébé ou petit, ... et qu'il peut tout entendre et comprendre, lorsqu'on lui parle, ou lorsqu'on ressent fortement des choses, sans les parler. Et que ce qui n'est pas mis en mots sera mis en maux et exprimé par les maux...


Cet ouvrage de Willy Barral, qui a tant travaillé aussi avec elle, en apporte de remarquables cas cliniques de transmission par le corps et de générations en générations ...dans cet ouvrage dédié à l'oeuvre de Dolto et dans son sillage :

"Le corps de l'enfant est  le langage de l'histoire de ses parents" .


Françoise nous apprend que tout être est un "allant-devenant".

et aussi que dans une maison, les enfants et les chiens savent toujours tout, et surtout ce qu'on ne dit pas ... mais ressent. 


Elle attribuait ou laissait attribuer sa phénoménale et étonnante intuition de l'autre/à sa "tache indienne".


Elle avait une manière étonnante de percevoir l'autre, quel qu'il fut (enfant ou adulte, ou malade, ou étranger à notre langue),


Elle a surtout innové l'écoute de l'enfant petit et du "nourrisson comme une personne" à qui l'on parle de la situation familiale et de tout ce qui la concerne - et avec qui l'on parle (on lui parle, au tout petit, et non on en parle devant lui - en sa présence, comme s'il n'existait pas et ne comprenait pas. Elle écoute l'enfant et l'observe avec son troisième œil et sa troisième oreille, son coeur, son bon sens, et son franc parler. Elle écoute ses silences, ses gazouillis et leur arrêt,ses phrases inachevées, elle observe sa mimique et ses gestes,et elle parle à l'enfant comme un autre enfant pourrait lui parler d'adulte sujet  à adulte sujet, (sujet  désirant et non plus comme objet).

Elle "parle vrai " et a ainsi réussi des "cures miraculeuses


Elle réussit à avoir un rapport direct, vrai et total, d'emblée, avec les êtres (disons, pour moduler, avec ceux capables d'entendre ce qu'elle dit et de ne pas être heurtés par son langage direct).


Ah, la fraîcheur et le "juste" du langage direct...et l'impact du parler vrai (hors du langage poli des  conventions et de la langue de bois médicale et officielle des conventions sociales...[ je parle bien entendu du langage en thérapie d'enfants 

ou d'adulte, ou à la radio – ou lors de  ses trop brefs passages à la Télévision - pas dans un salon].


Sa clinique était si vraie et si importante, qu'il était de mode, de mon temps, que les analystes, même en exercice, aillent faire une "tranche" avec elle, et nous y allions tous .. et je crois avoir plus appris dans ces "tranches d'analyse" (forcément courtes, donc) qu'au cours de ma psychanalyse classique de longue durée (disons, pour être honnête, que les deux m'ont fait devenir ce que je suis).


C'est étonnant aussi, comme elle savait rendre chaleureuse une séance de psychanalyse, et parler vrai lorsqu'il se produisait (rarement, mais tout arrive dans la vie) un incident non prévu comme une intrusion extérieure).


C'est Françoise Dolto qui m'a mis sur le chemin du transgénérationnel et de la psychogénéalogie (je lui ai d'ailleurs dédié mon livre) en insistant sur les empreintes da la mémoire , car je "devais" bien savoir le vécu de mes grands-parents et de mes grands-mères et arrière-grands-mères, puisque j'avais vécu dans la même maison qu'elles,  ... enfant ...et  finalement elle me l'avait fait retrouver : quand on cherche on trouve ... ou on devine ...


       Anne Ancelin-Schutzenberger, 89 ans, Paris.

Professeur des Universites, groupe-analyste

Psychodramatiste & analyste transgenerationnel

       Co-Fondateur et Archiviste IAGP


Avant-propos, par Catherine Dolto

Françoise Dolto n’a jamais voulu faire école, elle proclamait haut et fort qu’elle n’avait pas d’élèves. Pourtant elle a passé sa vie à chercher comment transmettre ce qu’elle avait compris grâce à la souffrance de ses patients.


Je l’ai souvent entendu dire que les enfants qui l’avaient mise en échec étaient ceux qui lui avaient le plus appris et elle voulait qu’au moins cela serve à d’autres patients en souffrance. Ainsi elle inventa la consultation publique qu’elle a tenue pendant  trente huit ans à l’hôpital Trousseau, dans laquelle le groupe des psychanalystes présents participaient, comme un choeur autour du duo formé par l’enfant et sa psychanalyste.

Elle a tenu pendant de nombreuses années un séminaire public sur le dessin d’enfant, ainsi qu’ un séminaire de psychanalyse pour les professionnels et elle a beaucoup écrit.  Elle n’enseignait pas, mais elle voulait, en s’exposant, en se risquant, comme elle le disait, former des  jeunes psychanalystes, qu’elle considérait toujours comme ses égaux, ce qui les troublait beaucoup.  Elle avait la terreur de ceux qui "faisaient du Dolto".

« Entendez ce que je vous dis, entendez ce que disent les autres, puis faites comme vous l’entendez » répétait elle, très inquiète des phénomènes de mode et de transfert qui faisait d’elle un mythe.


Être entendu c’est devenir pour l’autre un appui, une présence qui inspire et libère le génie propre de chacun, dans le respect d’une éthique commune.


Willy Barral  fait partie de ceux qui l’ont suivie longtemps, et qui l’ont véritablement entendue. Il a su, et ce livre en est la preuve,  s’inspirer de ce qu’il avait reçu d’elle pour exprimer dans son travail de psychanalyste une créativité qui fait honneur à Françoise Dolto.

Ce livre, si riche et si passionnant rend  à Françoise Dolto un hommage vibrant de vie et de véritable psychanalyse. Il montre comment la théorie de l’Image Inconsciente du Corps, prend chair dans l’acte du thérapeute.

                                                               

                                                                                     Catherine Dolto


Présentation par l’auteur, Willy Barral

Ayant eu la chance de faire toute ma formation d’analyste avec Françoise Dolto, je lui dois beaucoup.

Je tiens à lui rendre un hommage à l’occasion du centenaire de sa naissance, le 6 novembre 1908 !

Je voudrais témoigner du génie de sa clinique, comme j’avais témoigné, il y a bientôt dix ans déjà, du génie de sa théorie psychanalytique à partir de son concept « d’Image Inconsciente du Corps ».

Je dois à mes deux analystes, les docteurs Pierre Solié, Président, à l’époque, de l’Ecole Psycho-analytique Jungienne et Françoise Dolto - fondatrice, avec Jacques Lacan, Daniel Lagache, Juliette Favez-Boutonier, Blanche Reverchon-Jouve et quelques autres, de la société Française de Psychanalyse à Paris - d’avoir pu accompagner nombre de patients adultes et enfants dans cette aventure humaine passionnante à l’écoute de l’inconscient.

Permettez-moi tout d’abord de vous raconter brièvement l’origine de ma rencontre avec Françoise Dolto !

C'était  alors que je dirigeais un hôpital de jour pour des enfants autistes et psychotiques.

J'avais déjà fait mon analyse d'une part et rencontré l'énigme de la communication avec des enfants autistes d'autre part. Françoise Dolto était alors une des rares psychanalystes à recevoir des enfants autistes et psychotiques. Elle venait de publier "Le cas Dominique" et affirmait ceci, qui a retenu tout mon intérêt par l'ouverture de son esprit clinique : "L'autisme est un terme que notre discours psychiatrique a inventé  pour parler de ces enfants avec lesquels nous sommes en impossibilité de savoir comment  communiquer avec eux ! " 

Une psychanalyste nommait les choses à partir de nos résistances inconscientes pour entrer en communication avec ces enfants-là !

De quoi rêver …

Mais elle affirmait aussi ceci : " On ne peut rien comprendre à l'autisme infantile si l'on ne travaille pas sur trois générations". Elle introduisait définitivement en psychanalyse ce que l'on appelle aujourd’hui le

«  Transgénérationnel ».

Ce n'est pourtant pas d'autisme infantile que je vais vous parler ici, il y faudrait beaucoup plus de temps mais je voudrais m’adresser, pour une fois, aux non-professionnels et aux parents pour leur faire entendre comment nous écoutons et travaillons, nous les psychanalystes formés par Françoise Dolto. Toute une génération d’analystes à laquelle Françoise Dolto a transmis le meilleur d’elle-même.

Je vais aborder ici cette question, encore largement délaissée par la communauté analytique elle-même, ce que je déplore profondément, et qui est la véritable raison de ce témoignage, nommée ainsi par Françoise Dolto : «  Le corps de l’enfant est le langage de l’histoire de ses parents ». Lorsque les parents prennent conscience de l’impact d’un roman familial souvent dissimulé, c’est de leur bouche que l’enfant a besoin d’entendre ce qui va le libérer de son rôle dans cette histoire.

Le travail avec l’enfant engage à comprendre la place qu’il occupe dans la famille car nous avons toujours affaire, nous les humains, à cette éducation par un humain père d’un fils, par une mère d’un fils, ou par un père d’une fille, par une mère d’une fille. Nous avons affaire à des états, à des richesses pulsionnelles différentes suivant l’individuation corporelle de nos engendrés. Il s’agit alors de décoder les cicatrices inscrites dans le « curriculum historique » depuis les arrières grands-parents en passant par les grands parents et les parents de l’enfant.

Je m'appuierai largement  sur une autre création de Françoise Dolto qu'on appelle " la Maison Verte", lieu qu’elle avait ouvert à Paris en 1979 et que j’ai ouvert moi-même à Erevan, en Arménie, en 1995.

Un lieu d'écoute absolument génial dans lequel l'enfant tout-petit est entendu vraiment comme un corps-parlant.

Ecouter ce que les parents viennent partager avec moi à propos de la souffrance qui est la leur, à travers les symptômes énigmatiques de leurs enfants - de moins de 3 ans très souvent - c'est faire un travail que j'appelle un travail d'archéologie émotionnelle inconsciente d'une relation intime à 3 ou à 4, sur 2 ou 3 générations, au sein d'une constellation familiale.

De quoi s'agit-il ?

Il s'agit, à partir de faits concernant l'histoire d'un symptôme, de remonter aux émotions correspondantes, à partir des histoires passées, pour reprendre le fil d'un discours plus ou moins conscient qui restait presque toujours confus ou oublié. Car il s'agit, le plus souvent, d'un symptôme familial qui ne demande qu'à être retrouvé pour en dégager le sens perdu.

Mais je voudrais surtout donner à entendre ce que l’on appelle aujourd’hui le transgénérationnel, à partir de la découverte freudienne appelée : «compulsion à la répétition », que Françoise Dolto a prolongé par une autre compulsion qu’elle a appelé la «compulsion à la réparation de génération en génération ».

Ce concept ayant été mal compris à l’époque, tant sa dimension révolutionnaire suscitait nombre de résistances, j’aimerais tenter de l’éclairer un peu à travers une pratique de plus de trente ans !

« L’enfant, nous disait F.Dolto, n’est pas la simple répétition du passé de ses parents, mais un être disponible au jour le jour pour perpétuer le contact et les échanges, d’une manière aussi créatrice que possible, avec les autres. En prendre compte, c’est ce que j’appelle la prévention. »

Chaque génération conduit sa vie en filtrant le trauma originel et en le transmettant à moindre frais pour la génération suivante.

Les affaires de vie ne sont pas irrécupérables, et encore moins désespérées.


Que ce livre ouvre l’esprit et le cœur de lecteurs en quête d’espérance.


Willy Barral - Septembre 2008


Remerciements, par Isabelle Yhuel

    Willy Barral, je tiens à vous exprimer toute ma reconnaissance pour ce magnifique entretien que vous m’avez accordé. Je suis sortie de toutes les histoires qui jalonnent votre livre aussi émerveillée, enchantée, émue, confiante dans la vie que lorsque je quittais les contes de fées qu’on me lisait lorsque j’étais petite. Quand ma tante ou ma marraine refermait le livre d’où elle avait, un à un, extirpé les mots qui avaient ensuite roulé dans sa bouche pour déployer le conte qui venait de me traverser, je savais que le merveilleux qui m’imprégnait était plus réel que la réalité quotidienne puisqu’il m’enveloppait de poésie et – quelle qu’ait été sa cruauté -  m’offrait l’espoir, c’est-à-dire l’essentiel. C’est exactement ce que j’ai ressenti autour de ce livre que vous nous offrez à tous,étayé de ces nombreux « cas » qui permettent à chacun, aussi étranger soit-il à l’univers de la psychanalyse, et plus particulièrement à celle proposée par Françoise Dolto, de comprendre comment du malheur de symptômes qui entravent, handicapent, tirent vers la mort, peut jaillir la vie même. La psychanalyse, cette psychanalyse-là, comme un prolongement du féerique enfantin mais, cette fois, la baguette magique est dépiautée, épluchée ; son fonctionnement explicité. Et loin d’être déçu par cette mise à nue, comme lorsqu’on apprend que le Père Noël n’existe pas par exemple, l’enchantement en est augmenté. Plus la magie est démontée, plus on comprend comment ça marche, plus on jubile.

    Ce livre est un baume puisque loin de rendre les parents coupables, honteux, il leur enseigne à être sainement courageux à la façon dont Rilke l’exprime dans Lettres à un jeune poète : « Au fond, le seul courage qui nous est demandé est de faire face à l’étranger, au merveilleux, à l’inexplicable que nous rencontrons. Comment oublier ces mythes antiques que l’on trouve au début de l’histoire de tous les peuples ; les mythes de ces dragons qui, à la minute suprême, se changent en princesses ? Tous les dragons de notre vie sont peut-être des princesses qui attendent de nous voir beaux et courageux. »

     Un enfant naît ! Dans le meilleur des cas les parents l’ont souhaité, attendu dans la joie, et ils le fêtent. Malgré tout, ce n’est pas idyllique. Tout n’est jamais idyllique mais là, c’est plus grave, le bébé souffre dans son corps, des symptômes se développent qui compliquent la vie de l’enfant et celle des parents. Car les parents souffrent de la souffrance de leur enfant et cherchent évidemment à la soulager. C’est là que le courage se révèle nécessaire. Il consiste à ne pas aller au plus facile car certaines médecines actuelles proposent de supprimer les symptômes, du moins en partie, ou en tout cas de les rendre plus supportables. Il existe des sirops calmants pour les bébés qui ne veulent pas dormir, des remèdes plus ou moins opérants pour les problèmes de peaux, des opérations chirurgicales pour d’autres situations. Mais agir ainsi serait manquer le message que l’enfant tente de faire passer à ses parents, message forcément important puisque l’enfant prend le risque de la maladie pour essayer de le transmettre ; message lourd d’histoires familiales que l’enfant ignore mais qu’il a néanmoins, par un legs d’inconscient à inconscient à travers les générations, la faculté de faire surgir à la lumière à partir des symptômes corporels qu’il développe. Aux parents d’accepter que ces symptômes soient les dragons qu’ils ont pour mission d’aller dompter. Là est l’épreuve. Car chacun d’entre nous se berce de l’espoir que la vie sera facile, que nos parents ne nous transmettront que du bon, que nos enfants pousseront aussi vigoureux que des marguerites dans les prés, que tout se construira tranquillement, sans peine. Alors, quand se révèle inéluctable d’entreprendre ce lourd travail analytique, cette quête qui oblige à remuer tant de souvenirs, tant d’émotions, la lassitude peut aisément gagner, suivie des éternelles questions : pourquoi est-ce à moi que cette épreuve échoit ? Pourquoi ai-je cela à prendre en charge ?

    Mais à partir du moment où les parents sont suffisamment aimants pour saisir que la souffrance, parfois intolérable, de leur enfant est engendrée par des non-dits qui l’empêchent de comprendre son histoire, la maladie de l’enfant se révèle être une chance car, grâce au travail qu’ils vont poursuivre, les parents découvrent une partie du passé de leur famille qui les mettait eux aussi en difficultés psychologiques même s’ils avaient appris à faire avec. Il s’agit presque, pour chacun des membres de la famille concernée, d’une seconde naissance pour reprendre l’expression de Jean-Jacques Rousseau dans Emile : « Nous naissons, pour ainsi dire, deux fois, l’une pour exister et l’autre pour vivre. » Nos enfants sont, pour nous, de formidables révélateurs de vie puisque le questionnement imposé par leurs maladies nous permet de devenir de meilleurs parents, de meilleurs adultes, de meilleurs humains. C’est là que le dragon se métamorphose en princesse.

    Ce que j’ai trouvé émouvant à pleurer c’est de voir en action, sous nos yeux, qu’aucune situation n’est irrémédiable, que la parole guérit, la simple parole, les mots vrais. Tout ce pouvoir dans des mots ! Et c’est à portée de main, pour chacun. D’un coup, pour l’enfant comme pour les parents, le ciel est plus ample, la respiration plus facile. Mais après l’épreuve seulement. Après avoir accepté de plonger, de triturer toutes ces histoires de nos ascendants - qui ont fait ce qu’ils ont pu, très imparfaitement souvent, dans le contexte dans lequel ils étaient - de repasser par toutes ces émotions et sensations dérangeantes. Et sans oublier qu’une part d’énigme, toujours, demeure. Et heureusement ! Que serait une vie close sur ses réponses ? Mais quelle beauté quand, à un moment, de toutes ces complications humaines, le plus vivant jaillit. C’est Arthur, dans le dernier récit, qui l’exprime le mieux. Alors que, d’un coup, comme par miracle - après que sa femme et lui aient développé une patience inouïe, une curiosité insatiable pour percer l’énigme, sans jamais douter malgré la fatigue et la colère - différents éléments de son histoire se mettent à faire sens, deviennent plus lisibles, il dit : « Et mon corps en tressaille subitement en en parlant ici … » ; corps traversé par la certitude qu’il est sur la bonne voie, que le travail accompli ne le fut pas en vain. J’ai alors pensé à l’Electre de Giraudoux après que tous les crimes aient été commis. La femme Narsès questionne : « Comment cela s’appelle-t-il, quand le jour se lève, comme aujourd’hui et que tout est gâché, que tout est saccagé, et que l’air pourtant se respire, et qu’on a tout perdu, que la ville brûle, que les innocents s’entretuent, mais que les coupables agissent, dans un coin du jour qui se lève ?

Electre : Demande au mendiant. Il le sait.

Le mendiant : Cela a un très beau nom, femme Narsès ; cela s’appelle l’aurore. »

    La psychanalyse, celle proposée par Françoise Dolto et vous-même, est comme une nouvelle aurore qui se lève au ciel des humains, révélant que c’est la parole qui fait vivre et que, par contrecoup, le péché originel, loin d’être une culpabilité à laquelle nous serions liés comme à un boulet, pourrait bien résider dans une absence de parole.

Isabelle Yhuel

Sommaire du livre     

Introduction: le corps pense.

Une histoire de « naissance miraculeuse : Samuel

Un corps parlant : en Arménie, le Jardin Arc Ciel

Une hémiplégie bien étrange : Armen

Une information inconsciente transgénéragionnelle: Anaït

Un bébé-thérapeute à maman : Areg

L’enfant dans les cures d’adultes, ou l’archéologie du savoir inconscient

La duplication ; de quoi s’agit-il ?

De la compulsion à la répétition à la compulsion à la réparation

Gaïa : la Terre Mère incestueuse !

- L'appel du désert affectif: Cas d'un infanticide maternel

-Un urgent suicide: "Touche pas à ma mère": Marie: une position sacrificielle


Deuxième partie : Quelques témoignages directs 

Corine Bondu: La question de l’abandon par les pères 

Docteur Christine Canault, Haptothérapeute:

3 vignettes cliniques:                                                                     

- Pour Christine : il s’appelle «  petit Willy » : Mathilde.....      

- Naissance prématurée d’une fillette surdouée : Nina      

- Le mal de Saint Vit : Dorothée…….                        


-Les corps déguisés:comment faire naître un enfant à lui-même.

Isabau: « Gagner ! » 

La question du péché originel !

Une histoire de pathologie gravissime

Isabelle Yhuel : Remerciements

Ecoutez l’interview de Willy Barral à propos de l’image inconsciente du corps dans l’émission “Les visiteurs du jour” sur RFI le 11 novembre 2008