Asclépios, 1er dieu guérisseur

 

Le Mythe d’Asclépios 

La Religion d’Asclépios en Grèce

Dieu guérisseur à Epidaure


Le mythe d’Asclépios est un mythe sotériologique grec étonnant qui, par certains côtés, vous permettra d’associer sur d’autres formes religieuses de l’antiquité égyptienne, ou du culte de Mithra, voire même du culte chrétien 

le mythe est au collectif ce que le rêve est à l’individu : le mythe est un rêve collectif  alors que le rêve est le mythe individuel.

Si notre mythe individuel, notre rêve, coïncide par chance  avec celui de la société, alors nous sommes en harmonie avec notre groupe, avec une psyché collective.

 Sinon, l'aventure nous attend dans la forêt sombre!

En effet, lorsqu'une culture ne prend pas au sérieux les symboles, les mythes et la vie spirituelle, il arrive que ceux-ci la prennent à revers. Et si le rationalisme ou l'humanisme avaient  su créer des images symboliques assez fortes, le nazisme n'aurait pas vu le jour !

Je tiens à dédier ce soir, mon récit conté à mon regretté ami Jacques Lacarrière et je remercie son épouse Sylvia Lippa-Lacarrière d’être ici ce soir parmi nous !

 

             ASCLEPIOS: 1er dieu thérapeute !


1ère partie:  Qui était donc Asclépios ?


Il faut se plonger dans les récits de Pausanias, (2e Siècle ap. J. C. ), dans sa description de la Grèce antique (Livre II-26,3-5), pour entendre parler de "la venue à Epidaure du roi guerrier PHLEGIAS de Thessalie, avec sa fille, Aigla, la bien-aimée d'Apollon, qui était déjà enceinte de son fils Asclépios.( J. Lacarrière: "Promenades dans la Grèce antique").

 Aigla, la Lumineuse bien aimée d'Apollon, fille du roi Phlégias, décida d'exposer son enfant sur une montagne qui s'appelait alors "la montagne des myrtes" et plus tard fut appelée la "montagne des mamelles".

Aigla était en voyage, seule avec son enfant, et dû l’abandonner, pourquoi ? l’on n’en sait rien …  sur une montagne appelée «  la montagne des myrtes  ou encore des mamelles », dans des récits plus tardifs.

C'est là que le trouvera le berger Aresthanas, entre "chèvre et chien", nous dit le récit de Pausanias.

Il nous est dit que lorsque le berger voulut s'approcher de cet enfant abandonné, une lumière jaillit au-dessus de sa tête, ce qui fit comprendre au berger apeuré que cet enfant était un dieu !

Dans le récit que nous fait Pausanias sur la naissance d' Asclépios, l'enfant est exposé :

- Son abandon, son manque de protection, si fortement soulignés dans de nombreux mythes sotériologiques relèvent manifestement du motif de la naissance de l'enfant divin.

  Le berger grec qui le trouve voit apparaître une lumière divine en même temps qu'il perçoit une voix céleste qui lui révèle la portée salvifique de l'enfant divin.

L'enfant est couché entre chèvre et chien, ce qui est aussi manifestement un trait essentiel de la naissance divine; cet enfant qui ne trouve pas sa place auprès des hommes est singulièrement proche des animaux.

Le symbolisme du nom de la mère, est étrange :

« Aigla-la Sombre et Lumineuse », appelée aussi parfois Coronis, c’est-à-dire la Corneille,  tellement ses cheveux de jais étaient éclatants.

Ce symbolisme nous dit déjà quelque chose de l'être de son fils: qui fut appelé

«  Asclépios- le Lumineux »  par le berger Aresthanas, qui le trouva.

 Dans cette religion grecque, Asclépios est essentiellement "Le Lumineux".


Pourquoi la mère d’Asclépios fut-elle appelée «  la sombre et lumineuse ?

Pourquoi cette double appellation «  la sombre et lumineuse » ?

Selon ce motif mythique, Asclépios  est la lumineuse apparition d'Apollon, le géniteur, enfanté par une mère" sombre-lumineuse."

Pourquoi cette double appellation «  la sombre et lumineuse » ?

Le lever du soleil à lui tout seul ne permet pas de comprendre ce qu'est et signifie cette lumineuse apparition d'Apollon.

Aigla tient sa luminosité d’avoir été choisie, en tant que mortelle, par Apolllon-Phébus le divin dieu solaire, mais elle fut appelée aussi la sombre parce qu’elle trahit ensuite cet amour divin avec un mortel du nom d’Ischys, le fils d’Elate.

En effet, nous dit la légende, un jour que la belle vierge baignait ses pieds dans le lac Boibiis, Apollon la vit, l'aima et s'unit à elle. ( Une vierge humaine  engrossée par un dieu... déjà ! )

Mais, comme le rapporte Pindare, dans ses fameuses Olympiques, poète grec qui vécut de 518. env. à 440 av. J. C, l:

 "Tandis qu'elle portait déjà en elle le fruit de l'amour du dieu plein de clarté,

elle dédaigna l'amour divin pour un simple mortel, un étranger venu de l'Arcadie, Ischys, le fils d'Elate ».

 C'est le corbeau, alors tout blanc, qui apporta à Apollon la nouvelle de la trahison de sa bien-aimée. Plein de colère, Apollon changea  en noir l'oiseau malheureux ( et d'ailleurs depuis, comme vous savez, les corbeaux sont des oiseaux de malheur effectivement qui sèment la calomnie !)

Apollon tua son adversaire - car les dieux sont jaloux et cruels, toujours - et demanda à sa sœur Artémis de tuer avec ses flèches l'indigne Coronis- Aigla.

Au moment, cependant, où ses parents mettaient le feu pour brûler le corps de la pauvre princesse, Phébus-Apollon  se souvint d'Asclépios, son fils, qu'elle portait en ses entrailles !

Alors, Apollon envoya son petit frère Hermès pour qu'il arrache Asclépios, son fils, d'entre les flammes et qu'il le mène à «  Chiron, le Centaure-Pédagogue , qui vivait au Pélion, la belle montagne à la végétation luxuriante et l'air régénérateur ".

 

Mais revenons au récit de Pausanias pour comprendre la suite du symbolisme de cette religion ! Pausanias écrit ceci :

" La chèvre l'allaite, le chien garde l'enfant dans une lumière éblouissante, qui, telle une apparition divine, oblige le berger à détourner les yeux. Au même instant, on entend une voix qui proclame sur toute la terre et toute la mer, que le nouveau-né trouvera tous les remèdes pour les malades et qu'il ressuscitera les morts".

 

 Que viennent faire ici des animaux mâles, peut-on se demander ?

C'est à un animal femelle (une vache chez les paysans, une chèvre chez les bergers, une louve ou une ourse chez les chasseurs) qu'il revient d'élever le fils de Dieu nouveau-né, abandonné, et pas une chèvre et  un chien !

 Dans le mythe, les "animaux" relèvent  toujours du divin, ils sont antérieurs aux hommes et porteurs de messages mystérieux, ils sont la protection de l'homme et le symbole de son être. Un chant yiddish aussi triste que beau exprime cette sagesse dans ces vers:

"Derrière chaque berceau  se tient une petite chevrette blanche"- un ange de Dieu, dirions-nous aujourd’hui !

La tradition mythique d'évènements religieux comporte toujours de nombreuses variantes, aux significations multiples, parce qu’elle se dérobe sans cesse à une saisie conceptuelle. Je ne m’attarderai donc pas sur toutes ces variantes ce soir.

Et, puisqu'il y a, ici parmi nous ce soir de nombreux amis qui s'intéressent aux pratiques chamaniques, et donc aux " animaux de pouvoir", je ne peux pas passer sous silence le fait que  ce sont à nouveau les animaux qui configurent ici l'être de l'enfant divin !

Chez les «Peuples Premiers», on appelait un enfant du nom de l'animal, ou de l'évènement naturel qui se fait le plus remarquer à l'instant de sa naissance, qui présidait à sa naissance !

 Le chien qui veille sur le nouveau-né Asclépios relève, comme le serpent, du domaine d'Hécate, la déesse des Enfers, mais  dans la mythologie il peut aussi être doté, c'est-à-dire dévoué à la lumière; la chèvre était aussi considérée, dans les Métamorphoses d'Ovide,  comme  constellation  de la Pluie, et son pelage comme un symbole des nuages.

 Se trouve ici soulignée la position intermédiaire qu'assume Asclépios, ( entre « chèvre et chien », soit entre le haut et le bas, la nuit et le jour, la mort et la vie.

 C'est précisément cet état crépusculaire qui définit son être, et donc comme sa mère la

«  sombre-lumineuse », il est lui aussi le Lumineux avec sa part d’Ombre.

 Il est lui-même Apollon, qui rayonne dans l'obscurité," l'Apollon Aigletes", comme le qualifie Virgile dans l'Enéide, et on comprend ainsi pourquoi il a pu apparaître sous cette forme aux Argonautes, sur l'île Anaphe, qui est  dite «l'île du jaillissement».

 

Venons-en maintenant au «  culte d'Asclépios à Epidaure ».

( Du VIe siècle av. J.C. au IVe siècle ap. J.C., soit un millénaire !)

 

Vous vous souvenez, nous en étions restés au moment, cependant, où les parents d’aigla-Coronis mettaient le feu pour brûler le corps de la pauvre et indigne princesse…

Phébus-Apollon  se souvint d'Asclépios, son fils, qu'elle portait en ses entrailles et dépêcha Hermès pour le sauver !

Hermès arracha Asclépios, d'entre les flammes et le porta à «  Chiron, le Centaure-Pédagogue , qui vivait au Pélion, la belle montagne à la végétation luxuriante et l'air régénérateur ".

 

 Ici commence en quelque sorte le récit de la mission thérapeutique d'Asclépios, nous raconte Pindare, sur l'enseignement qu'il reçut de Chiron !

Ce  savant Centaure,  Chiron, qui était " plein d'amour pour les hommes", comme nous assure Pindare,et avait été le précepteur de plusieurs héros et demi-dieux célèbres, comme Héraklès, Jason, Amphiaraos, les Dioscures, Péléas et son fils Achille,

… ce savant Chiron aimait passionnément la nature et la chasse.

Mais il était aussi un excellent musicien et un médecin renommé qui avait étudié tout particulièrement les effets thérapeutiques de toutes les plantes du Pélion.

Chiron était immortel, mais il avait eu la générosité de se désister de son immortalité au profit d'un autre grand bienfaiteur de l'humanité, Prométhée, qui avait osé braver même les dieux pour donner le feu aux hommes.

Pour cette noble action, Zeus, le Père de tous les dieux de l'Olympe, et qui toujours reconnaît ce qui est juste, transforma Chiron en constellation du Sagittaire qu'il plaça au ciel où elle brille éternellement. 

Asclépios dépassa vite son fameux maître, et réussit de merveilleuses guérisons, rien qu'avec sa grande affection pour les hommes, sa seule présence et ses incantations,

ou bien en ayant recours à des herbes ou à la chirurgie.

C'est lui qui soigna les héros qui accompagnèrent Jason à Colchide, ainsi qu'Héraclès et Iphicléas des morsures empoisonnées de l'Hydre de Lerne, les Filles du roi Proitos de leur manie, le roi Aslès d'Epidaure et beaucoup d'autres.

Cependant… la méthode originale d'Asclépios reposait sur la guérison par les rêves,


C’est en effet par le célèbre Aelius Aristide, auteur du 2e siècle ap. J.C.; et qui était lui-même un croyant passionné d'Asclépios, que nous devons, à travers ses fameux " Discours Sacrés", l'essentiel des pratiques en vigueur dans la religion d'Asclépios.

 

Les consultants s'étendaient par terre dans les sanctuaires où ils passaient la nuit, attendant que le dieu vînt les visiter dans leur sommeil.

 Asclépios venait les visiter  et leur délivrait en songe les remèdes pour guérir de leurs maladies.

Évidemment, il fallait accomplir préalablement des incubations de purification,  avant la consultation, que prescrivaient les prêtres d'Asclépios, ainsi que des exercices de Gymnasium pour le corps et des ablutions de plantes diurétiques, sans oublier des nourritures adaptées que prescrivaient les médecins.

À Epidaure, sanctuaire dont la floraison ne semble pas antérieure au Ve siècle, à l'Asclépiéion d'Athènes construit en 420, le rituel était fort simple.

On peut s'imaginer avec quelque vraisemblance  que, plus tard, le clergé des grands temples a épuré la magie populaire, ne gardant que les méthodes qui lui paraissaient les plus raisonnables...

La ville d’ Epidaure est un port d'Argolide, sur la côte méridionale du golfe de Salonique. Le domaine sacré est à trois heures de marche vers l'intérieur, dans un cirque de montagnes que ne traverse aucun fleuve, dominé au nord par le mont Titthion, nous expliquait Jacques Lacarrière dans ses » Promenades antiques »… sur les traces de Pausanias !

À l'époque où la méthode rationaliste cherchait à expliquer la genèse des cultes,

on répétait volontiers que l'endroit était particulièrement salubre,

de telle sorte que les malades, avant même d'avoir dormi sous le portique du dieu,

y auraient été soulagés de leurs misères par le bon air et les vertus curatives de quelque source.

Nos écologistes aussi ont leurs ancêtres!

 Mais ce ne sont pas les raisons raisonnables qui désignent un lieu pour devenir un centre de miracles, sans compter que celui-ci, torride en été, est balayé en hiver par des vents glacés.

Une légende raconte qu'au cours d'un voyage en mer, un serpent sacré s'échappa du bateau et vint se réfugier à Epidaure, où l'on décida alors de construire un temple à Asclépios, divinité entourée de serpents.

En fait : comment Asclépios vint-il s'établir en Argolide ? … 

alors que son culte paraît d'origine thessalienne,

- comment devint-il un thaumaturge ?

- pourquoi son action s'exerça-t-elle à Epidaure plus généreusement que partout ailleurs dans la Grèce Antique ?

Nous n'en savons rien et c'est grand dommage, car son culte est singulier à bien des égards.

Voyez plutôt !

 En effet si le miracle joue un certain rôle dans les légendes grecques, en dehors des sanctuaires d'Asclépios,

il n'y en a pour ainsi dire aucun dans le culte !

Et lorsqu'apparaissent de ces faits merveilleux où il est impossible de ne pas reconnaître une intervention divine, ils concernent  presque toujours une collectivité.

Ici, au contraire, il s'agit de petites gens et de leurs misères.

Enfin, la tradition  ajoute qu'Asclépios réussissait même à ressusciter des morts !

… comme  cela fut le cas pour Glaucos, le fils de Minos,  ou Hippolyte, le fils de Thésée, le héros Lycurgue, ou encore Tyndare et d'autres.

Dans tous les sanctuaires d'Asclépios, les lépreux sont guéris, les aveugles voient, les hystériques se calment, les femmes stériles deviennent fertiles, les grabataires se mettent à marcher.

Bref, il n'est plus que les chauves qui ne voient leurs cheveux repousser !

Mais revenons  au ministère d' Asclépios, car, poursuit Pindare, Zeus dut s'en mêler:  Asclépios outrepassait  sa propre mission !

Asclépios dépassait la mesure, cette vertu fondamentale chez les Grecs, qui consiste à se protéger de la Vanité !

 … où péchait-il par excès ?

 II ramenait beaucoup trop  de morts à la vie !

Alors Pluton, le roi de l'Hadès-séjour des morts, protesta auprès de Zeus, qui,

de peur que l'Ordre du monde ne fût ébranlé, prit sa foudre et le foudroya !

C'est pour cette raison, nous raconte Pausanias :

«  Pour cette mort exemplaire de martyre pour le bien de l'humanité, Asclépios a été divinisé et devint le dieu de la santé et de la médecine, le " sauveur" des hommes »,

comme on l'appelait déjà à cette époque !

Il ressuscitera d'ailleurs lui aussi, comme son ancêtre  égyptien, Osiris, ou beaucoup plus tard comme la figure du Christianisme : Jésus-Christ !

Dans sa fameuse apologie du christianisme intitulée " Contre Celse" que le savant alexandrin Origène,  écrivit en 248 ap. J. C.,

Asclépios est présenté comme le plus représentatif et le plus digne de tous les dieux antiques pour être, en quelque sorte, comparé au " Théanthrope" Jésus-Christ.

Jésus et Asclépios y sont comparés pour leur grande puissance thérapeutique, pour leur vie sainte et immaculée et parce qu'ils n'excluaient pas du salut  les pêcheurs, comme le faisaient toutes les autres religions de l'Antiquité et même les "Mystères", qui n'acceptaient que ceux qui étaient déjà purs et bons.

 

De cette discussion et des remarques d'Origène, nous voyons combien grande était l'estime dont jouissait  Asclépios dans le monde antique et la foi du monde en ses guérisons miraculeuses.

 

 

   Origène fait valoir trois points qui rapprochent les deux Thaumaturges:

- Ils sont tous deux les fils d'une mortelle et d'un dieu- et participent donc tous deux des deux natures, humaine et divine, mortelle et immortelle.   

 - Ils sont tous deux des thérapeutes du corps et de l'âme- auteurs tous deux aussi de guérisons miraculeuses.

- Ils ont couru tous deux, enfin, la passion et la mort (l'un foudroyé, l'autre crucifié) puis sont tous deux ressuscités et sont montés au ciel rejoindre leur père!

(Origène- " Contre Celse ", Livre III, chap. 22-25).

À ce propos, j’aimerai citer aussi le travail remarquable de l’un de mes amis belges, Xavier de Schutter, professeur à l’Université de Louvain-la-Neuve en Belgique. Dans son ouvrage consacré aux « Métamorphoses du divin », il nous dit ceci, en page 287 de son livre paru aux éditions Espace de Libertés :

«  Le mythe d’Asclépios offre davantage de similitudes avec l’histoire de Jésus:

à plus d’un égard, le dieu guérisseur d’Epidaure peut-être considéré comme un précurseur du Christ.

Sa mère, la princesse Coronis, avait été aimée d’Apollon, mais elle eut l’audace de tromper son divin amant pendant qu’elle était enceinte de ses œuvres. Averti par une corneille, Apollon tua l’infidèle et arracha de son sein l’enfant encore vivant. Le petit prématuré n’était autre qu’Asclépios.

Le centaure Chiron chargé de son éducation lui enseigna l’art de guérir.

Devenu médecin, Asclépios découvrit le moyen de ressusciter  les morts à «  l’aide du sang qui avait coulé des blessures de la Gorgone.

Nombreux furent les privilégiés qui durent aux bons soins d’Asclépios de se relever de terre. Mais Zeus, garant de l’ordre universel, veilla à rétablir l’équilibre du monde que menaçaient de rompre tant de résurrections. Il foudroya le héros !

Divinisé après sa mort ( ou, selon certains, transformé en constellation ), il devint le dieu de la médecine. »

Et mon ami François Dor, qui était ici avec nous, et qui vous parlera demain de son hypothèse qui met en rapport les mythes avec les découvertes modernes de l’embryologie, va encore plus loin, lui aussi, puisqu’il qui nous explique que si Asclépios n’a jamais existé, c’est parce qu’il n’est en fait, comme dans beaucoup de nos mythes, qu’une représentation métaphorique inconsciente du fonctionnement médical de la vie fœtale, de cette fameuse veine qui apporte du sang placentaire frais, de ces artères qui évacuent du sang fœtal vicié.

Voici une citation là encore, de son livre remarquable intitulé «  De L’Ancien Monde » paru aux éditions Eden House :

 «  Asclépios … avait en effet reçu d’Athina le sang qui s’était écoulé des veines de la Gorgone : il se servait du sang qui avait coulé des veines de gauche pour faire périr les hommes et de celui des veines de droite pour les sauver, et c’est ainsi qu’il ressuscitait les morts. »

 

2e Partie: Asclépios Sauveur entre rêve et jour; les Guérisons.

 

Comme  nous avons vu précédemment, la mission primordiale de l'Asclépiéion d'Epidaure n'était pas d'effectuer des guérisons.

L’ Asclépiéion d’ Epidaure était une institution de nature "spirituelle et cultuelle »,

…. avec des temples, un théâtre, un Odéon, un stade, un Gymnase et une Bibliothèque où les pèlerins pouvaient se purifier et se régénérer.

Les guérisons qui y étaient effectuées résultaient naturellement  et nécessairement, en premier lieu, de l'adoration du dieu Asclépios ( le Bien Absolu) et, en second lieu, de la régénération spirituelle - ou de" l'Eveil" par le sommeil et le songe –

Régénération qui survient lorsque l'homme prend conscience de sa vraie nature !

Comme vraie nature de l'homme était considérée sa nature spirituelle.

Son état naturel  est l'état de parfaite santé et d'harmonie qui reste intact tant que l'homme se maintient en harmonie ( "pense sainement" ) avec l'Ordre divin, qui régit l'univers.

La maladie est l'état anormal qui est provoqué par une cause étrangère qui vient troubler l'harmonie individuelle, dont la vanité comme étant première cause de l’erreur.

Dans la Religion d’ Apollon, donc d’Asclépios son disciple bien aimé, l’origine de toutes les maladies s’appelait La VANITE !

La disharmonie qui en résulte n'est, pourtant, que temporaire.

Par une loi naturelle et inéluctable, l'harmonie parfaite doit être rétablie!

Car, c'est Asclépios qui est dieu, le dieu de la santé qui détruit tout ce qui lui est contraire.

Ce quelque chose qui essaie de troubler notre harmonie naturelle n'est pas réel et n'a pas de substance véritable; ce n'est qu'une "chimère", une illusion, un rêve. Voilà la vanité, elle se donne pour vraie alors qu’elle n’est qu’une illusion, un «  faux-self » comme on le dirait aujourd’hui !

Il me faut rappeler ici comment Pausanias relate cela ! 

- Pausanias dont je vous disais tout à l’heure, qu'il était pour nous un  auteur grec et géographe  du 2e siècle ap. J.C, très précieux pour nous parce qu'il décrivit  dans son ouvrage " Description de la Grèce ", avec minutie tous les sites archéologiques de l'époque de la Grèce antique arrivés jusqu'à son époque-

" sur le trône où se trouvait la statue de culte en ivoire et or d'Ascépios, les représentations en relief montraient le héros Bellérophon tuant la chimère, et Persée tranchant la tête de la Méduse. Bien qu' imaginaires, cependant, ces ennemis de notre harmonie naturelle, ne manquent pas d'être extrêmement dangereux parce qu'ils assaillent notre entendement et nos pensées intimes et créent en nous un tas de peurs  et de phobies, conscientes et inconscientes, ainsi que des passions terribles qui, si elles ne sont pas éliminées, nous étranglent de plus fort, comme l'hydre de Lerne. Au commencement, ils attaquent l'homme mentalement et si, par hasard, ils le trouvent sans garde ou affaibli spirituellement pour leur découper immédiatement la tête,  ils se fixent dans son entendement, et de là ils s'étendent à son corps.

 C'est la pensée qui est la cause primordiale pour la formation de notre organisme.

En partant  de cette conviction, les anciens Grecs avaient profondément exploré la corrélation qui existe entre ces deux éléments  et ils concluaient que la maladie ne peut pas atteindre le corps si elle ne passe auparavant, consciemment ou inconsciemment, par l'entendement de l'homme.

" C'est l'entendement qui voit et qui écoute; le reste est sourd et aveugle", comme résume le poète Epicharmos, cet écrivain du Ve siècle av. J.C. dont Platon lui-même aimait garder les œuvres sous son oreiller !

Car ces  comédies d'Epicharmos, aux dires des anciens, étaient pleines de profondes pensées philosophiques et métaphysiques.

Et cela donne à penser quant à la haute qualité des œuvres qui étaient montées au théâtre d'Epidaure et qui proclamaient des vérités qui guérissent et libèrent de la matérialité.

Étant donné donc que les causes de la maladie sont principalement mentales, la vanité en tout premier lieu, la méthode de guérison devra aussi être spirituelle.

 Le vaniteux qui s'est laissé entraîner à la maladie, parce qu'il n'a pas bien gardé son entendement …

… ou bien parce qu'il ne savait pas comment se protéger …

… Ou bien à cause de l'amoindrissement de sa résistance spirituelle …

… Ou bien encore  parce que sa foi en la divinité était faible …

Bref, le vaniteux sera guéri en allant à l'Asclépiéion, où la haute spiritualité des prêtres et l'ambiance profondément religieuse, spirituelle et artistique, l'aideront à se débarrasser de ses illusions et à retrouver sa condition naturelle et harmonieuse.

La guérison n'est radicale que lorsque l'entendement lui-même est guéri; lorsqu'il y a un changement de la pensée ( META-NOIA).

 Avec l'entendement, le corps aussi est nécessairement rétabli :

 Le corps pense et se pense enfin !

Le corps peut, sans doute, être guéri aussi directement ( sans l'intervention de l'entendement, avec des moyens exclusivement matériels ou des médicaments), mais cette guérison ne sera que provisoire, parce que la cause génératrice de la maladie, qui se trouve dans l'entendement, n'ayant pas été guérie, elle pourra, à tout moment, provoquer de nouveaux troubles dans d'autres parties du corps.

Dans la Grèce antique, Asclépios était reconnu comme le dieu protecteur de ces deux méthodes de thérapeutiques précitées, parce qu'il avait lui-même employé l'une et l'autre, bien que sa préférence était indéniablement pour la première: la méthode spirituelle.

Cette première méthode a été principalement suivie par les prêtres initiés d'Asclépios, qui n'étaient pas des médecins, mais des penseurs puissants d'une haute spiritualité qui, employant - au moins pendant les premiers siècles - des moyens exclusivement spirituels étaient arrivés, à l'Asclépiéion d'Epidaure, à des résultats incroyables qui dépassaient de beaucoup nos connaissances actuelles.

La seconde méthode a été suivie par les Asclépiades, qui étaient à proprement parler les médecins empiriques et laïques, qui développèrent leur science indépendamment des sacerdoces d'Asclépios.

Cette branche, aussi, a atteint pendant l'Antiquité à des résultats enviables, avec Hippocrate et tant d'autres médecins et hommes de science célèbres, mais elle ne pourrait être comparée avec les succès remarquables de la médecine moderne.

Comme nous avons vu, dans l'Asclépiéion d'Epidaure on a usé, pendant les années de la domination romaine, divers moyens de thérapeutiques qui n'étaient plus exclusivement spirituels, …. comme des bains chauds, des mesures d'hygiène et de diététique, etc.

Un bel exemple du mélange des deux méthodes nous est donné par la stèle, érigée par Apellas, un homme de lettres d'Asie Mineure, qui se trouve au musée d'Epidaure.

Les  stèles de guérisons qui se trouvent au musée d'Epidaure se rapportent à la relation officielle de l'activité de l'Asclépiéion pendant les deux premiers siècles de son fonctionnement ( de la fin du VIe siècle, à la fin du IVe siècle av. J.C.).

Deux d'entre elles  ont été gravées par le sacerdoce et relatent 43 cas de guérisons, choisis parmi des milliers.

Car, comme nous apprend Pausanias, il y avait à Epidaure beaucoup  d'autres stèles qui n'ont pas été préservées.

Les cas enregistrés sont absolument authentiques et véridiques, bien que quelques-uns doivent être compris dans leur sens symbolique.

Pour finir ce sujet, je me contenterai de citer Henri Miller, qui a consacré quelques pages très intéressantes sur Epidaure dans son livre "Le Colosse de Maroussi":

 "A mon avis, il n'y a nul mystère concernant  les guérisons qui furent effectuées ici, dans ce grand Centre Thérapeutique de l'Antiquité. Ici, le guérisseur était lui-même guéri le premier, ce qui constituait un grand pas vers la découverte de l'art qui n'est pas médical, mais religieux".

En guise de réflexion finale, permettez-moi de vous préciser encore une chose :

Tout ce récit a pour seule ambition de vous faire entendre que l’on ne fonde pas une Vérité par une religion en cherchant la vérité de textes mythiques,

on ne cherche pas la vérité  là où elle n’est pas, à savoir dans la nature historique extérieure, au lieu de la chercher dans l’interprétation de la réalité intérieure, vécue par les hommes, depuis l’aube de l’humanité.

Car les mythes, qu’ils soient cosmogoniques ou eschatologiques, sont toujours l’expression d’une tentative humaine pour répondre aux questions fondamentales que se posent les hommes quant à leur être au monde.

Les récits mythiques élaborés par les poètes, ces «  mystagogues de l’âme », ou les prophètes et les chamanes des traditions millénaires, n’ont pas d’autres fonctions que de retranscrire, en langage métaphorique, les étapes de la vie de l’homme au sein de la nature.

François Dor que nous avons le plaisir d’accueillir parmi nous ce soir, vous en parlera plus savamment que moi vendredi … 

Les thèmes sont toujours les mêmes, la culture seule les différencie !

Ne s’agirait-il pas d’enseigner tout simplement à nos enfants une société à partir des  étapes de la croissance ? !

Ce très grand philosophe que fut Nietzsche, dans son remarquable «  Ainsi parlait Zaratoustra, nous disait que « l’homme fabrique des mythes pour tenter de donner un sens à sa vie, et se sentir plus vivant ! ».

 J’ajouterai pour ma part ceci :  le mythe n’est pas tant l’expression de la quête du sens, il en est plutôt l’expérience, l’expérience de la vie ! Michel Cazenave vous en parlera en poète !

Et à propos de poésie, permettez-moi de vous laisser sur une note d’espérance en vous citant l’immense poète persan RUMI :

« L’être humain est un lieu d’accueil.

Chaque matin un nouvel arrivant.

Une joie, une déprime, une bassesse, une mélancolie.

Une prise de conscience momentanée arrive,

Tel un visiteur inattendu.

Accueille-les, divertis-les tous,

Même s’il s’agit d’une foule de regrets

Qui d’un seul coup balaye ta maison,

Et la vide de tous ses biens !

Chaque hôte, quelqu’il soit, traite-le avec respect,

Peut-être te prépare-t-il

À de nouveaux ravissements.

Les noires pensées, la honte, la malveillance

Rencontre-les à la porte en riant

Et invite-les à entrer.

Une fois accueillis les messages de ces messagers

Invite-les à ressortir de chez toi en paix.

Sois reconnaissant envers celui qui arrive

Quelqu’il soit ;

Car chacun est envoyé comme un guide de l’au-delà » !

Willy Barral, Psychanalyste

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Notes:

 

1/ IMHOTEP :

Médecin célèbre pour ses guérisons par les plantes déjà et architecte génial qui a créé la 1ère Pyramide égyptienne au 5e siècle av. J.-C. : la Pyramide de Saquara, pour enseigner la réconciliation de l’âme et du corps, des forces telluriques et des forces célestes.

In … La célèbre Christiane  Desroches - Noblecourt, dans son ouvrage qui fait référence sur l’Égypte pour tous les égyptologues aujourd’hui, livre intitulé : «  Le Fabuleux héritage de l’Égypte ».  Elle nous dit que tous les médecins d’alors étaient appelés les «Fils d’Imhotep». Je la cite ici en page 136 :

«   Une des sciences égyptiennes, la plus anciennement et la plus brillamment pratiquée, est bien celle que maîtrisait l’illustre Imhotep : l’art de guérir et son inséparable corollaire le Pharmacopée. Pouvait-il en être autrement pour un peuple qui, dès les balbutiements de son époque historique, s’est évertué à préserver de l’anéantissement les corps de ses défunts en inventant la momification ?

Ainsi paraît-il que, dans l’antique Proche-Orient, seule l’Égypte semble avoir bénéficié de cette pratique, conduisant indirectement à pénétrer les mystères du corps humain.

La réputation des médecins égyptiens, les Sinous, était telle, que l’on venait de l’étranger consulter ces savants, des médecins laïques par excellence, par opposition aux guérisseurs ou magiciens, les fameux prêtres de SEKHMET ou encore les conjurateurs de SELKET.

 

Christiane Desroches-Noblécourt écrit aussi ceci, je la cite en page 142 :

«  Abordant le legs de l’Égypte à la Grèce, et plus précisément en ce qui concerne la médecine et la science en général, je ne peux résister à citer les paroles de ce très grand égyptologue, qu’était Serge Sauneron, accidentellement disparu à l’âge de cinquante ans : « L’Égypte était, aux yeux des Grecs, comme le berceau de toute science et de toute sagesse. Les plus célèbres parmi les savants ou les philosophes hellènes ont franchi la mer pour chercher, auprès des Prêtres, l’initiation à de nouvelles sciences.

Et s’ils n’y allèrent pas… leurs biographes s’empressèrent d’ajouter, aux épisodes de leur vie, le voyage devenu aussi traditionnel que nécessaire! »

 

    Platon :

Philosophe grec, le Maître incontesté pour tous les Grecs du 5e siècle de la Grèce Classique d’alors, fit le voyage comme tous en Égypte où il s’y trouva lui-même en position d’élève de la sagesse égyptienne.

 

Hippocrate :

Célèbre médecin de la fin du 5e siècle avant J.C. et du milieu du 4e siècle.

 Son système repose sur l’altération des humeurs.

Son éthique médicale est à l’origine du serment que prêtent les médecins et dont on peut retenir sa célèbre déclaration : «  Je le soignais, Dieu le guérit ! »

La légende rapporte que le grand chef de file de l’École de Cos, séjourna trois ans en Égypte. Il développa une médecine basée sur les troubles de l’humeur.

 Ainsi peut-on citer en exemple de pronostics de naissances, enregistrés, dès le Nouvel Empire, par le papyrus Carlsberg. Sur ce dernier, il s’agit de déterminer le sexe de l’enfant à naitre. On y reconnaît le «  Test de l’hydromel », ou encore celui qui utilise l’action des urines d’une femme enceinte sur la germination e diverses graines – à rapprocher de la théorie moderne du rôle joué par certaines hormones – et qui parvint jusqu’à nous, en passant par Byzance. »

Ecoutons ce que disait Hippocrate dans l’un des ses traités, car l’on a souvent oublié de citer in extenso son véritable propos !

«  La santé de l’homme est un état un état donné par la nature, laquelle n’emploie pas d’agents étrangers, mais une certaine harmonie entre l’esprit et l’élaboration des humeurs. »

Traité Gardeil 1 p. 457 ). Propos moins connu, mais autrement plus dérangeant…

 

Fredrich Nietzsche :

Je le cite toujours lorsqu’il s’agit de transmettre aujourd’hui cette maxime qui m’habite et que j’ai appelé tout à l’heure : le corps pense et se pense enfin !

Voilà ce qu’il nous disait :

«  Si j’ai quelque unité en moi, elle ne consiste certainement pas  dans mon Moi conscient, dans le sentir, le vouloir, le penser ; elle est ailleurs, dans la sagesse globale de mon organisme, occupé à conserver, à assimiler, à éliminer, à veiller au danger, mon Moi conscient n’en est que l’instrument ! »